Sur base du matériel
des archives d'Etat à Venise, des archives yougoslaves à
Kotor et à Dubrovnik, ainsi que des sources publiées tirées
de nos archives et de celles étrangères, l'auteur a, tout
en mettant au premier plan le métropolite Vasilije Petrovic, comme
une personnalité dirigeante de son époque, élaboré
l'histoire du Monténégro de cette époque là.
Le Monténégro
est, pour bien des raisons, un pays unique en son genre dans la Péninsule
balkanique. Son caractère physique est tel qu'il favorisa le partage
de ses habitants en petites communautés-tribus. La société
de tribus monténégrines est la seule société
paysanne de cette époque dans la péninsule balkanique sans
aucune forteresse et ville. Pas un seul peuple dans les Balkans a eu à
confronter un tel défi géopolitique comme les Monténégrins.
Coincés entre les Vénitiens et les Turcs, le catholicisme
et l'Islam, qui étaient d'une manière tenace hostiles à
l'Orthodoxie, les Monténégrins devaient lutter sans cesse
pour leur existence et leur identité nationale. Il était
du devoir des Monténégrins de rester en vie, non seulement
à cause de leur propre conservation, mais parce qu'ils croyaient
qu'ils étaient les instruments d'une destinée historique,
gardiens de la gloire serbe et du serment du Kosovo. Tout ce qui entourait
les Monténégrins, de la nature jusqu'aux voisins, leur était
hostile. Un petit pays, rocheux, sans assez d'eau, que, tout en déployant
les plus grands efforts humains ne pouvait nourrir sa population.
Du point de vue de son développement
social, la société monténégrine composée
de tribus, présente une régression par rapport au féodalisme
qui a été une étape de développement positif
entre la société d'esclavage et le capitalisme. Du point
de vue de la sauvegarde de leur identité nationale et de la lutte
contre le pouvoir étranger et l'infiltration d'influences exotiques,
cette société de tribus monténégrines montra
une vitalité extraordinaire. Elle prouva qu'elle était impénétrable
envers ses voisins vénitiens et turques que les Monténégrins
méprisaient bien qu'ils n'auraient nullement pu exister sans eux.
La configuration de la terre
et les conditions climatiques sont diverses et offrent des possibilités
de développement limitées: l'élevage du bétail,
la culture de la terre, la viticulture et la pêche. L'économie
rurale monténégrine consistait en premier lieu en l'élevage
du bétail. Le but du gain était tout juste celui de se maintenir
en vie, en premier lieu la nourriture, l'habillement et l'habitation. Le
travail n'a pas comme but un progrès économique, ni individuel,
ni collectif. C'est la raison pour laquelle pendant des siècles
l'économie ne progresse guère, et au XVIIIe siècle,
elle décroît même. A ce moment là, les Monténégrins
sont en lutte continuelle contre les Turcs, et en friction avec les Vénitiens.
Le nombre du bétail et des produits agricoles diminue. Le danger
de l'existence même de l'homme est menacée sans cesse. Les
Monténégrins vivent presque à la limite de la famine
ou dans la crainte de celle-ci, sans égards combien l'homme se donne
de la peine. Des données sur la famine sont très fréquentes.
Le surplus de la population émigrait dans les territoires vénitiens
et turcs, en Italie voisine ou en lointaine Russie. A ce moment là,
le Monténégro comptait environ 25.000 habitants.
L'homme sous les armes comme
l'était le Monténégrin, ne se résignait pas
à sa destinée attendant tranquillement la mort par la faim.
Tout ce qu'il n'avait pas chez lui, le Monténégrin s'appliquait
de se le procurer chez le voisin ennemi. C'est pourquoi il attaquait continuellement
le territoire turc. Le Monténégro était, d'après
la loi internationale, une partie intégrante de l'Empire Ottoman,
avec le seul engagement de payer un tribut en argent. Il n'y avait pas
de Turcs sur le territoire monténégrin, ni de musulmans.
C'est pourquoi les Monténégrins croyaient qu'ils étaient
libres et indépendants des Turcs.
La société
tribale monténégrine, bien que sans classes et sans pouvoir,
existe et se développe sur base du droit coutumier. Les tribus ont
des lieux de rassemblement. A ces assemblées on solutionnait les
conflits entre les tribus et décidait des relations avec les voisins.
L'institution commune de toutes les tribus monténégrines
est bien l'Union de tous les combattants (Zbor) monténégrins.
Tout combattant pouvait se rendre à cette réunion et prendre
part à la discussion des questions soulevées. C'était
là, le plus nombreux "parlement" à ciel ouvert dans l'Europe
de cette époque. En principe, les décisions prises par cette
Union des combattants monténégrins étaient obligatoires
pour toutes les tribus. Mais en pratique, il était difficile de
les appliquer. En plus de cette Union, il existait des réunions
de districts et des réunions tribales pendant lesquelles les membres
rassemblés de la tribu prenaient des décisions dans le cadre
de leur compétence. C'est l'essence de la démocratie monténégrine
à cette époque.
Dans une telle société
sans classes et sans pouvoir, l'homme était obligé de s'appuyer
sur la large communauté: la famille, la fraternité, la tribu
et le district. Avec leurs forces de fraternité ou de tribu communes,
ils défendaient leurs frontières et leurs biens. La propriété
commune: forêts, pâturages et l'eau avaient plus d'importance
pour le Monténégrin que la propriété familiale
privée. De toutes les passions qui dominent le Monténégrin
de cette époque, les plus marquantes sont la vengeance du sang,
(vendetta) et le caractère belliqueux. Au Monténégro,
l'esprit guerrier est un état psychologique normal. Le combat, c'est
à dire le pillage des territoires turcs, fait partie des plus importantes
professions de l'homme. En raison des conditions économiques et
sociales, guerroyer atteignit le degré d'une institution nationale.
Le butin de guerre le plus précieux pris sur le territoire ennemi
sont le bétail et les esclaves. Le prisonnier pouvait en règle
générale être racheté et cela était considéré
comme une des coutumes à cette période là. L'empressement
montré pour que la force soit liée à la compréhension
de la justice tribale et l'honneur prescrit des règles formelles
non écrites de comportement envers l'ennemi. Dans cette société
guerrière, une des traditions les plus belles et les plus humaines
qui se soit développée au Monténégro était
l'hospitalité. D'après la règle, on ne pouvait pas
fermer sa porte même à un ennemi mortel.
Le mécanisme de la
démocratie tribale est très simple, mais non pas efficace.
A la tête de chaque tribu (il y en avait à peu près
vingt), était le prince, et à la tête de tout le pays
le "guvernadur" (gouverneur). Toutes ces fonctions étaient en principe
éligibles. La personnalité la plus influente fut sans conteste
le métropolite. L'Église au Monténégro jouait
un rôle important. Engagée dans la vie politique du pays,
l'Église serbe au Monténégro, avait une fonction beaucoup
plus mondiale que spirituelle. L'église devient le porteur des idées
et de l'esprit moyenâgeux de l'État serbe. L'orientation religieuse
était identifiée à l'appartenance nationale. La fonction
de métropolite au Monténégro, fut héréditaire
dans la maison des Petrovic, depuis 1697; ce qui a exalté son prestige
dans le pays et à l'étranger.
Dans l'histoire des sociétés
de race, la société tribale monténégrine représente
une particularité. Elle a germé sur les vestiges de la société
féodale et s'est développée sous la forte influence
de l'héritage culturel et historique de l'État moyenâgeux
serbe. La culture patriarcale monténégrine s'était
abreuvée à ce même fleuve dont les sources sont dans
l'Orthodoxie et l'État serbe du Moyen-Âge. Cette tradition
était la plus vitale de toutes les autres influences dans la société
tribale monténégrine. Bien que le Monténégro
soit divisé en tribus qui se sont souvent combattues, les Monténégrins
sont un peuple uni par une même foi, tradition, culture, qualités
psychiques et un territoire unique. Cependant, de tous les sentiments d'appartenance
collective et de l'interdépendance humaine, dans le sens moral,
intellectuel et spirituel, le plus fort et le plus intime est le sentiment
tribal.
Une société
aussi authentique sur la péninsule balkanique existait et s'est
maintenue entre deux conquérants, à l'Est, l'Empire Ottoman,
à l'Ouest, Venise. Par la paix de Pozarevac, en 1718, Venise met
fin à sa guerre séculaire contre les Turcs, et en même
temps ne fait plus partie des puissances européennes. Cette paix
signifiait également la fin d'une collaboration politique et guerrière
qui avait duré deux siècles entre Venise et le Monténégro.
C'est alors que ces deux pays s'éloignent de plus en plus l'un de
l'autre et finalement tout se termina par une hostilité ouverte.
En même temps, les Monténégrins renforcent leur lutte
contre les Turcs et réclament l'aide et la protection des États
européens qui ont des prétentions territoriales vis-à-vis
de l'Empire Ottoman. Et ces États sont la Russie et l'Autriche.
La décadence de l'Empire
Ottoman, qui commence déjà au XVIe siècle, atteint
au XVIIIe siècle des dimensions catastrophiques. Leurs sujets formaient
un conglomérat de diverses nationalités qui différaient
par leur foi, langue et manières de vivre. Les Turcs représentaient
un groupe minoritaire régnant et oppresseur. Cet immense empire
avait seulement une apparence fictive d'unité. Depuis le début
du XVIIIe siècle, l'Empire Ottoman est secoué par des insurrections
plus ou moins grandes et des résistances ouvertes contre le pouvoir
central, tant par la population chrétienne que musulmane.
Les conditions d'une lutte
pour l'indépendance deviennent, avec l'affaiblissement de l'Empire
Ottoman, pour les peuples maritimes, de plus en plus favorables. La lutte
pour l'indépendance entreprise par les Monténégrins
contre les Turcs, et commencée avec l'appui de Venise, se prolongera
au cours du XVIIIe siècle. Les Monténégrins se trouvaient
en guerre constante contre les Turcs. Ils menaient en réalité
une guérilla, ce qui répondait le mieux à leur structure
sociale et à la fin de leurs exploits guerriers: le pillage de la
proie de l'ennemi. Si nous voudrions résumer en une seule phrase
l'histoire de cette époque, alors nous pourrions dire que les Monténégrins
vivent sous les armes et par les armes. Une idée s'était
formé chez le peuple au sujet de cette lutte comme s'il s'agissait
d'une action chevaleresque, et la rapine sur l'ennemi était considérée
comme une manière de gagner par le travail. Prendre par la force
les biens d'autrui, même dans le but de se maintenir en vie, ne peut
qu'être considéré comme gagner son pain.
Depuis le début du
XVIIIe siècle, les Turcs, n'attestent plus leur droit sur le Monténégro,
et exigeaient seulement qu'un tribut leur soit payé: une taxe tributaire
des plus minimes. Les Monténégrins se sont libérés
du pouvoir suprême turc, avant même d'être mûrs
pour se gouverner eux-mêmes. Les Monténégrins ne réussissent
pas à organiser une administration dans le pays, mais continuent
à vivre en tribus démocratiques, situation qui mène
à l'anarchie.
Depuis le moment où
la Russie, sous le règne de Pierre Ier, se forge une place dans
le rang des puissances européennes, les rapports des peuples slaves
sous la domination turque et autrichienne se renforcent bien vite avec
la Cour et l'Église russes. Le culte de l'Empereur Pierre le Grand,
qui commença à s'étendre bien plus parmi les Serbes
que parmi les Croates, et cela déjà de son vivant, stimule
l'espoir du peuple serbe qu'à l'aide des armes russes, il pourrait
se libérer des Turcs. Les Serbes voyaient leur salut dans la sauvegarde
de leur religion. C'est pourquoi on accueille et glorifie tout ce qui est
russe. Les livres ecclésiastiques russes envahissent les églises
serbes. A Karlovac, en 1726, une école slave est ouverte. La langue
russo-slave, un mélange de russe et de serbe devient la langue des
écoles, des personnes érudites et de l'Église.
Les Monténégrins
sont les premiers Serbes à avoir établi des relations politiques
avec la Cour de Russie. La Russie a, pour des raisons religieuses et politiques,
adopté le Monténégro, ce qui fut néfaste pour
son développement historique. Le métropolite Vasilije Petrovic
(1709-1766) a été un adepte fanatique de la Russie. Appartenant
à une famille distinguée qui avait déjà donné
deux évêques, Vasilije avait été désigné
pour être le futur successeur. Très tôt, il passa de
son lieu de naissance Njegusi à Cetinje et commença son instruction
dans l'unique école monacale du pays. N'attendant pas de succéder
à son oncle, le métropolite Sava Petrovic, Vasilije, réussit
bien vite à s'imposer tant à Sava qu'aux Monténégrins,
et devint une personnalité dirigeante dans le pays.
Observant la société
tribale monténégrine, Vasilije se rendit compte de toutes
ses faiblesses et défauts. Il se rendit bien vite compte que cette
société était lente et inefficace dans le contact
avec le monde extérieur, que la démocratie tribale entrave
l'activité des personnes douées et étouffe les fortes
personnalités. Il remarqua également que cette société
se laissait facilement conduire par une personnalité ayant réussie.
Le renom de sa maison et tribu, le stimule dans son ambition illimitée
de prendre une voie de politique toute contraire à celle pratiquée
jusque là par la société tribale. Il s'est révolté
contre son temps et refusa d'être le prisonnier de cette société
tribale. Vasilije est le premier évêque monténégrin
qui essaya d'esquiver l'Assemblée, et de mener sa propre politique
tout seul ou bien en compagnie d'un petit nombre de ceux qui avaient les
mêmes opinions politiques que lui. Il tentait de rompre les chaînes
du conservatisme tribal toujours tourné vers le passé et
il dirigea son regard vers l'avenir. Rester inaperçu sous la domination
suprême turque et dans l'ombre de la Venise caduque, ou bien chercher
une porte de sortie à cet état de choses, au prix même
de victimes, était le dilemme principal de l'histoire monténégrine
de cette époque. Vasilije choisit la porte de sortie qui était
tout aussi épineuse qu'elle était honorable. C'était
la voie de l'avenir. Son oncle, le métropolite Sava Petrovic était
plutôt pour le maintien de l'État existant en s'appuyant sur
Venise. Un tel conflit personnel pour le pouvoir entre les deux premières
personnalités monténégrines, se développa en
une lutte entre deux conceptions politiques sur l'avenir du Monténégro.
Vasilije essaya au début
à s'appuyer sur Venise, ce qui voulait dire la continuation de la
politique traditionnelle du Monténégro. Lorsqu'on 1742, le
métropolite Sava se rendit en Russie, pour prier cette dernière
de continuer à prêter son aide au Monténégro,
il resta deux ans à Petrograd. Vasilije se rendit en 1744 à
Venise dans le but d'élever son prestige et d'atteindre un profit
matériel direct. C'est la raison pour laquelle un conflit éclate
entre le métropolite Sava et Vasilije, mais ils se réconcilièrent
vite et l'archimandrite Vasilije devint le substitut de Sava et fut plus
tard consacré évêque par le Patriarche Antanasije à
Belgrade en 1750. Depuis ce moment là, il devient la personnalité
dirigeante dans le pays.
Lorsqu'il se rendit compte
qu'il ne pouvait rien attendre de Venise et que la République étouffe
la lutte libératrice contre les Turcs, Vasilije se tourna entièrement
vers la Russie. Déjà, dès le début de 1751,
l'évêque Vasilije écrit de nombreuses lettres à
diverses personnalités russes et prépare le terrain pour
se rendre en Russie. A la fin du printemps 1752, Vasilije part pour la
Russie où il y resta presque deux ans. Vasilije cherchait à
convaincre la Cour de Russie que le Monténégro était
le seul pays libre sur la péninsule balkanique, qu'il a une mission
particulière entre les peuples serbes. Il réclama la protection
de la Cour russe et exigea que le Monténégro soit inclus
dans le titre de sa Majesté impériale; ce que l'Impératrice
russe refusa. La Cour de Russie accorda au Monténégro une
aide en argent et lui envoya des livres religieux. En 1754, Vasilije fit
paraître en Russie une Histoire du Monténégro, dans
le but de faire connaître aux personnalités politiques russes
le passé de son peuple. Cette oeuvre a été dédiée
au comte Mahial Ilarinovic Voroncov. C'est là la première
histoire éditée sur le Monténégro qui a eu
une grande influence sur le développement de l'historiographie romantique
serbe chez les Serbes. Le but politique de Vasilije était celui
de démontrer l'indépendance séculaire du Monténégro
et la légitimité du pouvoir du métropolite monténégrin.
Vasilije fit aussi de la poésie et laissa également des traces
dans des récits de voyages.
Lorsqu'il retourna au pays,
vers le milieu de septembre 1754, l'évêque Vasilije, convaincu
qu'il était couvert par la Cour de Russie, commença une lutte
résolue contre les Turcs et les Vénitiens. Avant le retour
de Vasilije au Monténégro, l'évêque Sava et
les chefs monténégrins avaient accepté de payer un
tribut aux Turcs. Vasilije s'opposa tout de suite à cet accord,
le considérant contraire à ses plans politiques et aux intérêts
du Monténégro. Le refus de payer ce tribut a été
la cause de la guerre turco-monténégrine. C'est pour la première
fois depuis la chute sous la domination suprême turque, que les Monténégrins
sont entrés consciemment en guerre contre les Turcs. Ce fut là
l'uvre du métropolite Vasilije Petrovic. Venise a fait tout ce
qu'il pouvait pour que les Turcs règlent leur compte le plus vite
possible aux Monténégrins. Le gouvernement vénitien
décida à la fin de 1755, de faire empoisonner Vasilije, le
considérant comme dangereux pour leurs intérêts dans
cette partie de la mer Adriatique. Les Turcs commencèrent leurs
opérations guerrières seulement à la fin de 1756.
La résistance tenace des Monténégrins et le mauvais
temps força les Turcs à la retraite. Ce fut la première
fois qu'une offensive turque contre le Monténégro, se termina
par un échec. Le bruit courut partout que les Turcs avaient été
vaincus. Vasilije avait quitté le Monténégro avant
le commencement des opérations turques, convaincu que par son départ
il faciliterait la position des Monténégrins. Les Turcs demandaient
seulement la tête de Vasilije.
Du Monténégro,
Vasilije passa en Russie où il développa un travail très
actif pour la migration des Monténégrins en Russie. C'est
à ce moment là qu'un grand nombre de Serbes de l'Empire Ottoman
et d'Autriche émigra en Russie. Malgré l'opposition des Vénitiens,
la migration des Monténégrins est mise à exécution,
mais non pas en une mesure aussi large à laquelle s'attendait Vasilije.
Les immigrants ont quitté le Monténégro au début
de mars 1758. À Trieste, Vasilije et les autres chefs monténégrins
se joignirent à eux. À Petrograd, où il arriva au
début de mars 1758, Vasilije développe une activité
politique très vive, démontrant sa thèse favorite
de la mission du Monténégro dans la péninsule balkanique.
En Russie, un conflit ouvert éclata entre Vasilije et quelques uns
des chefs monténégrins. Les accusations réciproques
se terminèrent à la Cour de Russie.
Toutefois, on reçut
à cette époque là en Russie, sur le compte de Vasilije
et de son travail, certaines données qui ne lui étaient pas
favorables. La Cour de Russie décida d'envoyer au Monténégro
un délégué en la personne du colonel Puckov. Vasilije,
Puckov et les autres arrivèrent au Monténégro vers
la mi-août de 1759. Puckov soumit son rapport au Collegium des Affaires
Étrangères le 21 mars 1760. Ce rapport était extrêmement
défavorable pour le métropolite Vasilije, le peuple et le
pays. C'est ce qui influença le refroidissement de la Cour de Russie
envers le Monténégro.
Edifié par son expérience
antérieure, que les Monténégrins ne peuvent en même
temps s'opposer aux Turcs et aux Vénitiens sans courir de grands
dangers, Vasilije mène une politique pacifique envers ses voisins.
L'indisposition de la Cour de Russie envers le Monténégro
lui fut difficile à supporter. La Russie était et resta pour
lui l'espoir de toutes ses ambitions politiques. Graduellement, le temps
fit son effet et la Cour oublia les péchés de Vasilije. Ce
dernier calcula avec justesse qu'il pouvait à nouveau se faire valoir
en Russie. Et en juin 1765, il se rend à Petrograd. Vasilije tomba
malade en Russie et y mourut le 21 mars 1766. Il y fut enterrré
avec de grands honneurs aux frais de l'État. Par sa mort en Russie,
il a scellé l'amitié russo-monténégrine, qu'il
servit fanatiquement pendant toute sa vie. C'est avec Vasilije que commença
à se développer le culte de la Russie au Monténégro.
La conception politique de
Vasilije sur le Monténégro, et de son rôle historique
sur la péninsule balkanique est répandue dans ses nombreuses
lettres et dans "L'histoire du Monténégro". On peut y lire
un esprit visionnaire et romantique qui désire toujours plus que
ce que ses forces ne le lui permettent. Il puisait ses conceptions dans
les idéaux orthodoxes-slaves. L'idée fondamentale de Vasilije
était que le Monténégro, à l'aide de la Russie,
pouvait devenir l'étincelle de la liberté serbe. Il avait
une idée vaste, mais une conception moins claire, d'un État
balkanique qui comprendrait tous les peuples de la péninsule balkanique,
sauf la Grèce, et qui aurait à sa tête le Monténégro.
Une telle hégémonie du Monténégro dans les
Balkans pouvait seulement naître dans la tête d'un homme tribal.
En lui, tout était absorbé par un seul intérêt,
une passion, un Monténégro libre et indépendant sous
le protectorat de la Russie.
L'idée de Vasilije,
au sujet de la libération et de l'union du peuple serbe, était
novatrice pour son époque. Ce qui était pour lui seulement
le songe d'un jour, deviendra réalité. Les idées ne
s'évanouissent pas sans laisser des traces et vivent longtemps,
surtout dans une société pauvre en possibilités intellectuelles.
Gligor Stanojevic, Le métropolite Vasilije Petrovic et son époque (1740-1766), Belgrade 1978. (livre en serbe,
résumé en français)
Le texte a été corrigé tant au niveau de l'orthographe
que de la grammaire le 26.11.2000.